Ce syndrome, que la psychologie a baptisé du nom barbare de leucosélidophobie et qu’elle définit comme le trouble psychique de l’écrivain, n’a rien d’un problème de ce type à mon sens. Si l’artiste ne parvient pas à commencer ou à finir son œuvre, cela signifie qu’elle n’existe pas vraiment dans son imaginaire.
Concernant l’écrivain, ou le postulant à l’art de l’écriture, je ne saisis pas personnellement ce désir de vouloir à tout prix écrire, dès lors que l’on ne trouve rien à coucher d’intéressant ou de sensé sur le papier.
Quand un auteur pense nécessaire d’utiliser des techniques glanées dans tel ou tel blog ou livret, quand il s’essaie à copier le style, voire à plagier la pensée d’autres auteurs, il vaudrait mieux pour lui qu’il se consacre à d’autres hobbies.
L’inspiration est une grâce dont sont gratifiés certains et pas d’autres. Il est inutile de la poursuivre, de chercher à la provoquer … vu qu’elle se manifeste d’elle-même ou pas du tout.
En ce qui me concerne, je n’ai jamais connu ledit syndrome et j’ai écrit, pourtant, une petite quarantaine de livres à ce jour. En effet, chaque thème m’est venu d’une façon impromptue et, partant, sans que je me demande : « Que vais-je bien pouvoir écrire de captivant aujourd’hui ? ». D’ailleurs, je n’ai pas décidé un jour d’écrire. Un ange m’a induit à prendre la plume de façon détournée.
Mon premier livre, un essai de réflexion philosophico-politique profondément idéaliste, me fut soufflée à l’oreille au cours d’une méditation. Quant à mon premier roman, l’idée me fut chuchotée – toujours par un ange – lors d’une promenade dans le Jardin du Luxembourg à Paris. Tous les autres furent ensuite de l’ordre d’une subtile instigation. Comment aurait-il pu en être autrement d’ailleurs ?
Ainsi à l’occasion d’un bref endormissement après le déjeuner, d’un rêve pendant mon sommeil nocturne, dans le giron de mes prières quotidiennes, voire tel un éclair dans la journée, j’ai bénéficié de l’inspiration d’un titre, d’une synthèse ou d’images. Je me souviens de ce jour où j’ai entendu « Suis-moi ! » et où je me suis interrogé sur la signification de cet appel qui me paraissait être celui du Seigneur Jésus-Christ ; bien que je n’aspirais guère à chambouler soudain mon mode d’existence. Tandis qu’il m’était chuchoté que ce « Suis-moi ! » correspondait au titre d’un nouveau livre, je me demandais ce que j’allais bien pouvoir écrire à partir de celui-ci ; quoique je ne m’inquiétais guère. La synthèse de l’histoire me fut susurrée … un mystère qui n’a jamais cessé de me surprendre et que vous devez prendre pour une affabulation, vous qui lisez ces lignes. Or ce n’en est point une. Fort de cette grâce, je n’ai jamais eu à réfléchir à propos d’un thème et tout s’est donc passé magiquement.
Je précise, par ailleurs, que je n’ai jamais écrit mes textes face à l’écran et, partant, à l’aide du clavier de mon ordinateur. J’utilise invariablement un crayon à papier ainsi qu’un cahier à petits carreaux. Par ce biais, je me sens vraiment en connexion et dans une excellente disposition. Certes, la main est un formidable prolongement de notre cerveau quand il s’agit de créer. Remercions le Créateur de nous avoir si merveilleusement dotés, des attributs naturels que la robotique n’égalera jamais.
Quand ma main tient le crayon et que je ferme les yeux dans l’attente de l’inspiration, c’est comme si une énergie subtile effectuait un va-et-vient entre mon esprit et cette dernière.
J’ose affirmer que celles et ceux qui se trouvent bloqués devant une page blanche et, donc, angoissés par le vide dont leur pensée est alors l’objet doivent surtout abandonner ce supplice. Soit l’inspiration surgira à un autre moment, et de manière impromptue, soit il y a lieu qu’ils utilisent leur temps à meilleur escient ou à un autre passe-temps. À quoi bon vouloir à tout prix écrire si l’on a rien d’intéressant à dire.
L’écriture requiert de la rigueur, de la patience, un bon sens de l’analyse, mais aussi une tendance perfectionniste et, naturellement, une bonne inspiration. Il dépend naturellement du genre de l’écrit. On ne parvient à un bon niveau qu’avec du travail et, partant, une révision du fond et de la forme bien souvent. Ainsi on n’acquiert de la maîtrise et on ne trouve finalement son style qu’après l’écriture de deux ou trois manuscrits ; ce qui réclame plusieurs mois de labeur, ou plus même. L’autosatisfecit ne permet guère de progresser. Il faut savoir critiquer son œuvre pour l’améliorer jusqu’à l’aboutissement. Quant à la profondeur de la pensée, au bon agencement des phrases et à la poétique ou beauté littéraire du texte, voici un don que l’on possède ou non.
Je prétends que le syndrome de la page blanche est un faux problème. La psychologie ou la psychiatrie se plaisent à expliquer les fonctionnements du psychisme humain, à établir des vérités aléatoires. Le psychisme humain est effectivement d’une immense complexité et inexplicable d’un point de vue holistique. Il conviendrait de tenir compte de la spécificité de l’âme, laquelle fait que chaque individu est différent, particulier.
En conclusion, lorsque l’écriture n’est pas inscrite dans le destin de l’âme, il ne faut pas s’évertuer à en forcer l’avènement. De surcroît, l’art du bien écrire n’est pas à la portée de tout un chacun.